Quel genre de téléspectateur êtes-vous ? Êtes-vous du genre passif ? Jusqu'à vous endormir devant l'écran ? Ou, au contraire, vous pouvez être très intense et être littéralement happé dans la haute définition des images et des sons de votre super télé ?
Par exemple, vous tapez des mains et des pieds tout en chantant ou en criant comme si vous étiez sur les lieux, lors d'un concert télévisé de vos artistes favoris.
Ou bien, vous exultez ou vous devenez enragé si votre club de sport remporte une étincelante victoire ou subit une humiliante défaite.
Ou bien des larmes coulent sur vos joues en regardant un film triste. Vous devenez angoissé durant un film d'horreur ou de suspens. Vous riez aux éclats en vous tapant sur les cuisses durant un spectacle d'humour.
C'est probablement ce qui est arrivé en 2002 à la jeune irlandaise de quinze ans, Rebecca Quin en regardant des combats de lutte au petit écran, en compagnie de son frère aîné Richy.
Elle vit avec lui et sa mère, qui s'est séparé de son mari alors que Rebecca était encore un bébé. Les deux enfants ont grandi ensemble et ils sont très proches.En fait, Rebecca, une fille sportive, suit toujours son frangin, et elle veut constamment faire ce qu'il fait. Leur passion commune pour la lutte est d'abord un jeu. Ils s'amusent à faire des combats improvisés sur le lit de leur mère, avec des costumes rigolos inspirés de ceux que revêtent les vrais lutteurs vus à la télé...
Le jeu se transforme en rêve pour Rebecca quand Richy devient sérieux et part en Angleterre pour s'entraîner en vue de devenir lutteur professionnel. Sa soeur voudrait bien le suivre, comme elle le fait d'habitude, mais sa mère lui interdit.
Mais quand une première école de lutte s'ouvre en Irlande, à Bray, pas tellement loin de chez elle, Rebecca se tourne vers son père pour avoir la permission de fréquenter ce lieu d'apprentissage, car sa mère s'y oppose toujours. Son frère la rejoint et ils apprennent le métier ensemble. Plus tard, Richy luttera professionnellement -pendant trois ans- sous le surnom de Gonzo de Mondo.
À l'école de Bray, dirigée par Finn Balor, sa soeur et lui font même équipe dans des combats mixtes. Et c'est à ce moment que Rebecca décide de faire carrière dans ce sport. Sa mère s'oppose encore à sa volonté car elle juge la lutte trop risquée et les possibilités de réussite trop minces dans ce domaine presque uniquement réservé aux hommes.
Rebelle, peu attirée ou intéressée par une autre vocation, à dix-huit ans, cherchant un moyen et un endroit pour satisfaire ses ambitions, elle part au Canada. Elle sait qu'elle plonge dans une aventure qui sera dure. Elle ne peut pas suivre le chemin tracé par une compatriote. Elle est la première irlandaise à tenter sa chance en lutte professionnelle.
Elle ne connaît personne au Canada, et elle a à peine assez d'argent pour s'offrir la nourriture la moins chère. Elle profite de l'aide de bons samaritains pour dormir sur le plancher de leur appartement.
Heureusement, le deuxième jour de son arrivée au Canada, elle rencontre le lutteur Scotty Mac (photo ci-dessus), dont elle a fait la connaissance quelques temps auparavant, en Irlande. Mac fait partie de la «Extreme Canadian Championship Wrestling» qui possède une filiale féminine : la «Super Girls Wrestling». Ce sera un tremplin pour Rebecca.
Dès ses débuts comme lutteuse, celle qui se fait maintenant appelée Rebecca Knox, se distingue des autres lutteuses par son style original, marqué par un enthousiasme hors du commun. Elle bouscule les convenances et les normes avec une passion et un désir de réussir à toute épreuve.
Cette force et cette rage de vaincre l'amènent à sauter les étapes et à progresser rapidement. Après s'être fait un nom au Canada, elle obtient des engagements pour lutter au Japon, aux États-Unis et en Europe. Évidemment, ce n'est pas encore les ligues majeures, dont les dirigeants (ceux de la WWE) ne s'intéressent pas du tout à elle. Les conditions sont difficiles, elle ne gagne pas suffisamment d'argent pour vivre de son métier.
En 2006, Rebecca, alors âgée d'à peine dix-neuf ans, subit une grave blessure lorsqu'une de ses opposantes manque son «atterrissage» et endommage une des vertèbres du cou de la jeune Irlandaise. Celle-ci a déjà eu quelques commotions cérébrales par le passé et cette autre blessure semble être le coup de grâce d'une carrière à peine amorcée.
Sa mère la supplie d'arrêter de se battre. Commence alors un long et éprouvant chemin de croix pour Rebecca. Pendant sept années, loin du ring, elle cherche désespérément une occupation qui pourrait remplacer sa passion dévorante pour la lutte.
Elle étudie pour devenir actrice. Elle exerce brièvement divers métiers. Mais aucun ne lui procure, comme la lutte, ces montées d'adrénaline dont elle a tant besoin pour vivre pleinement.
Elle sombre dans la dépression et elle devient dépendante à l'alcool et à la marijuana. Elle est en train de ruiner sa vie. Jusqu'à ce qu'elle reçoive enfin, en 2013, cet appel tant attendu de la WWE.
Chez les «pro», on vient de changer de vision. Auparavant, pour la lutte féminine, on recherchait surtout des mannequins pour donner des spectacles d'allure plutôt théâtrale. D'ailleurs, c'est pourquoi on ne s'était pas intéressé à Rebecca. Selon les gardiens des critères de la WWE, ce «garçon manqué» n'avait pas le physique de l'emploi.
Maintenant, on cherchait davantage des lutteuses certes jolies, mais plus athlétiques. Rébecca, une maniaque de l'entraînement physique, correspondait à ce nouveau «format». Il va sans dire qu'après cet appel de la WWE, la flamme qui animait jadis la flamboyante Irlandaise s'est rallumée instantanément.
En voulant intégrer les rangs du prestigieux circuit de lutte mondial, Rebecca constate que, après sept ans d'absence, le paysage a énormément changé. Et ses consoeurs lutteuses aussi ! Le défi est immense et le rattrapage également ! Elle a tiré des leçons de ses expériences du passé. Elle s'entraîne mieux. Au exercices de cardio, elle ajoute les poids et haltères ainsi que le yoga, qui lui permet de relaxer, de se calmer, et d'éviter les blessures.
En 2014, revenue au sommet de sa forme, elle est prête à remonter dans l'arène. Rendu à cette étape, elle doit se donner une image de marque, une identité. Développer un personnage pour assumer ainsi la partie «spectacle» de la WWE.
Étant la première Irlandaise à percer dans ce milieu sélect, la WWE va bien sûr bâtir son personnage sur le mythe du «Fighting Irish". Après quelques essais infructueux, on finit par trouver les bons éléments pour définir l'image représentative de celle qu'on appellera désormais Becky Lynch : longue chevelure couleur orange, manteau de cuir noir, lunettes punk sur la tête, fort caractère à la langue bien pendue...
Lorsqu'on dit que la nouvelle Becky Lynch a appris de son passé, on le constate également dans son attitude vis-à-vis ses patrons de la WWE. Autrefois, sa personnalité de rebelle désobéissante, brisant les conventions, et ne voulant que faire à sa tête -dure-, ne l'a pas bien servi dans sa carrière de lutteuse.
Maintenant, à son retour, pour se donner toutes les chances de réussir, elle suit à la lettre les directives de ses nouveaux patrons de la WWE, dans leur programme de développement (NXT). Elle doit faire preuve de patience et éviter de commettre ses erreurs du passé, c'est-à-dire brûler les étapes.
Elle met tous ses efforts et son enthousiasme pour tirer le maximum de ce qu'on veut bien lui donner comme avancement. Sans se plaindre ou rechigner. Pendant quatre ans, Lynch montera les échelons un à un, et, après bien des combats contre des adversaires de moindre stature, elle servira de faire-valoir aux réelles vedettes de sa discipline : comme Ronda Rousey, ou Charlotte Flair.
Ces dernières, et quelques autres, sont bien plus populaires qu'elle, même si le public l'aime bien. Mais après quelques performances remarquables contre celles qui sont au sommet du métier, Becky Lynch s'impose et gagne beaucoup de soutien de la part de plus en plus de fans, dans son coin du ring.
En 2018, ces partisans trouvent que Lynch est injustement traitée par les patrons de la WWE. Ces derniers, dont Vince McMahon favorisent trop Rousey, Flair, et quelques autres par rapport au brio de Becky. Depuis ces dernières années, celle-ci a repris grandement confiance en elle-même. Elle sait qu'elle peut lutter à égalité, ou mieux que les vedettes qui tiennent le haut de l'affiche des galas les plus relevés.
Même McMahon finit par le reconnaître et il lui donne enfin la chance de parvenir au sommet en lui accordant des combats de championnat. Lynch ne manque pas son coup.
En 2019, au même moment où la lutte féminine est enfin reconnue au point de lui accorder la vedette principale dans certains des plus importants galas de lutte (SmackDown, WrestleMania), Becky Lynch, maintenant surnommée «The Man», frappe un grand coup. Le même soir, elle s'empare de deux ceintures de championne. Du jamais vu !
Avant d'annoncer qu'elle abandonne ses titres, parce qu'elle est enceinte de son compagnon, le lutteur Seth Rollins, elle aura établi le record de longévité pour une championne (375 jours).
Critiquée pour avoir abandonné alors qu'elle est au faîte de la gloire, et après un si long et dur cheminement, Lynch répond qu'elle sera de retour, que sa carrière n'est pas terminée. Son «congé» de maternité arrive à point puisque tous les sports sont mis sur pause à cause du coronavirus COVID-19. Elle accouche d'une petite fille, nommée Roux, le quatre décembre 2020.
En marge de sa carrière de lutteuse, Becky Lynch a commencé à jouer dans des films ou des téléséries. Rappelons que durant ses temps de retraite forcée de la lutte, entre 2006 et 2013, elle avait acquis un diplôme aux termes d'études pour devenir actrice. D'ailleurs, il est fort probable qu'elle poursuivra dans ce domaine, une fois sa carrière de lutteuse terminée.
On pourrait aussi la voir exceller dans le fitness ou comme entraîneuse de la relève chez les jeunes lutteuses. Elle a déjà commencé à le faire depuis son ascension aux plus hauts sommets de la lutte professionnelle féminine. Entre autres par son implication dans l'entraînement de jeunes dans le programme des Olympiques spéciales.
Elle aime conseiller les jeunes qui veulent suivre ses traces : «C'est important de voyager, de travailler fort pour être en bonne forme physique, de savoir s'exprimer et d'établir de bonnes relations avec les gens, que ce soit dans le ring ou en dehors du ring. C'est important d'étudier comment fonctionne la compétition et ceux qui en font partie.
Becky est fière de ses origines, de sa famille (sa mère est devenue sa fan numéro Un) et de ses compatriotes qui sont de plus en plus nombreux à réussir dans les sports de combat. Elle n'a pas dit son dernier mot dans sa carrière de lutteuse. Si elle affirme que la lutte a sauvé sa vie, il faut croire que le meilleur est peut-être encore à venir pour elle, entre les cordes...